Baudelaire et sa maison joujou

Charles Baudelaire et sa maison joujou


HONFLEUR. Il ne reste rien du passage de Charles Baudelaire (1821-1867). Rue Alphonse Allais, la maison où il a séjourné à plusieurs reprises n’existe plus. La bâtisse achetée en 1855 par son beau-père, le général et baron Aupick, a changé plusieurs fois de propriétaire. Elle a même été louée par Alphonse Allais. Détruite pour agrandir l’hôpital en 1903, la demeure disparaît définitivement avec la fermeture de l’établissement en 1977, et sa plaque apposée en 1930 et et sur laquelle était inscrit « Ici, s'élevait le pavillon de Baudelaire », disparaît également. « Bâtie sur un contrefort de la Côte de Grâce, la petite villa était enfouie dans la verdure. La maison n'avait qu'un étage mansardé, un rez-de-chaussée un peu surélevé et une cuisine en sous-sol » écrit Jean Aubry dans son ouvrage Baudelaire et Honfleur (1917).

Après le décès de son beau-père en 1857, Charles Baudelaire décide de venir séjourner auprès de sa mère. Mais il va devoir attendre un an avant de rejoindre la « maison joujou » comme il l’appellera affectueusement. L’écrivain, couvert de dettes et vivant dans un taudis, doit rester à Paris afin de régler la condamnation des Fleurs du Mal. 

Lorsqu’enfin il arrive à Honfleur en 1858, il sent une nouvelle existence l’envahir.


Baudelaire a tous les atouts et l’atmosphère pour écrire L’invitation au voyage : « L’estuaire aux ciels pâles lui traverse l’âme comme des courants glacés. Féerie du paysage, dans la vase de son quotidien ». A son éditeur, il écrit : "Je suis allé voir le local. Il est perché au-dessus de la mer et le jardin lui-même est un petit décor : tout cela est fait pour l’étonnement des yeux. C’est ce qu’il me faut."

Pourtant, de son séjour à Honfleur, Baudelaire en parle à ses amis peintres Eugène Boudin, son voisin de la rue de l’Homme-de-bois, et Gustave Courbet qu’ils croisent régulièrement sur le quai, comme d’un « séjour forcé ».

Outre L’invitation au voyage, il y composera La chevelure, Le cygne et Les petites Vieilles, puis Le voyage paru dans la seconde édition des Fleurs du Mal. Dans ce recueil, figure également L’albatros écrit 18 ans avant son installation dans la maison joujou. Il semblerait que le poète l’ait ressorti de ses tiroirs pour le retravailler à Honfleur.

Celui que les Honfleurais, fidèles à leur tradition d’affubler tout le monde d’un surnom, appelaient « le fait-nul-bien », a vécu dans la cité des peintres de janvier à juillet 1859.

La ville ne lui rend guère tout l’amour qu’il lui porte. Il est vrai que sa célébrité était à l’époque plutôt restreinte. Peu connu du grand public, seuls quelques cercles littéraires parisiens pouvaient en effet se targuer de connaître ses écrits. Sa vie excentrique, son besoin grandissant d’opium dont il se servait comme antalgique et qu’il allait acheter à la pharmacie des parents d’Alphonse Allais, ne le font guère aimer de la population. 

Paris lui manque. Baudelaire a peur de tomber dans l’oubli en restant en Normandie. Il se sent seul et il a froid. Il ne reviendra à Honfleur qu’en octobre 1860 et en juillet 1865, toujours de manière furtive. Il décédera le 31 août 1867, à Paris.

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