Charles Dumont

Charles Dumont

Édith Piaf a fait toute sa carrière


Installé près de Deauville, le compositeur et interprète Charles Dumont, auteur de Non, je ne regrette rien pour édith Piaf, a dit au revoir à son public au mois de mars au théâtre Bobino à Paris après 60 ans de carrière.

 

De quelle façon votre carrière a-t-elle débutée ?


Lorsque j’ai été libéré de mes obligations militaires, je ne savais pas trop quoi faire. Comme je faisais de l’harmonie, du piano et que j’inventais des petites chansons, je me suis dit que je pourrais en faire ma profession. Alors je suis parti à la chasse aux éditeurs et aux interprètes. J’ai eu la chance de rencontrer des chanteurs qui ont aimé mes chansons comme Luis Mariano, Gloria Lasso, Dalida… Je commençais à bien vivre en tant que compositeur jusqu’au jour où j’ai rencontré édith. Et de compositeur de chansons, je suis devenu compositeur tout court.

 

Comment s’est déroulée votre rencontre avec édith Piaf ?

 
Je l’avais rencontré plusieurs fois et ça s’était très mal passé. Une fois même, elle m’avait dit « cette chanson est tellement faite pour moi que je ne la chanterai pas ». Elle croyait que j’étais un faiseur de chansons. Elle m’avait mal jugé. Lors de notre quatrième rencontre, j’étais accompagné de Michel Vaucaire, un auteur très célèbre à qui j’avais confié une musique sur laquelle il a écrit les paroles de Non, je ne regrette rien. Nous allions lui présenter la chanson. La veille de notre rencontre, édith Piaf a demandé à sa secrétaire « Vous m’avez pris rendez-vous avec Michel Vaucaire.

C’est bien mais qui a fait la musique ? » Quand elle a su que c’était moi, elle lui a dit « Virez-le ! Si c’est lui je ne veux pas le voir ». Elle ne voulait pas me voir mais ce soir-là, le 5 octobre 1960, 67 boulevard Lannes à Paris, nous lui apportions Non, je ne regrette rien. Nous lui avons chanté une première fois au piano, puis une deuxième et elle nous a dit : « C’est formidable, cette chanson me va très bien. Vous avez fait un succès mondial, jeune homme. Ne vous inquiétez pas, vous avez fait une chanson qui je crois, vous accompagnera toute votre vie ».


C’était le début d’une intense collaboration…


Depuis ce jour-là et jusqu’à sa disparition, en octobre 1963, je lui ai écrit une trentaine de chansons et elle en a enregistré 25 je crois. D’autres, qu’elle a chantées, n’ont pas été éditées en disque. Quand elle a fait sa rentrée à l’Olympia à Paris en 1961, elle a interprété 13 chansons dont 11 que j’avais écrites. Trois semaines avant qu’elle ne décède, avec Jacques Brel nous lui avons fait une chanson. Je lui ai chanté au téléphone et elle m’a dit : « je rentre à Paris et je l’enregistre très vite ». Et malheureusement elle nous a quittés. édith et moi avons eu une collaboration qui a fait toute ma carrière. Et c’est pour ça qu’à la fin de mon tour de chant, je chantais 3 ou 4 chansons que j’avais écrites pour elle. Des succès internationaux et évidemment, Non, je ne regrette rien qui est devenue une chanson universellement connue. 


Comment expliquez-vous le succès de ces chansons et de cette chanson-là en particulier ? 


Les chansons que l’on écrit en général, on les écrit toujours avec son coeur, avec l’envie que ce soit une bonne chanson. Mais avec édith, on faisait une bonne chanson, elle apportait sa personnalité et en faisait un succès. Les chansons qui ont du succès sont des chansons qui, au moment où il le fallait, ont eu la chance de rencontrer leur interprète. Une chanson, c’est un peu comme une histoire d’amour : tant qu’on n’a pas rencontré l’autre, vous n’êtes pas heureux en amour.


Combien avez-vous composé de chansons durant votre carrière ?


J’ai composé pour de nombreux chanteurs dont Dalida, Tino Rossi, Luis Mariano… et bien sûr édith. Mais j’ai également composé pour moi 13 ou 14 33 tours, devenus aujourd’hui des CD. Alors, entre les chansons qui qui ont marché, celles qui n’ont pas marché, je dirais bien au moins 500 chansons !


Et sur ces 500 chansons, lesquelles vous touchent particulièrement ?


Il y a Mon Dieu qui est une chanson que j’ai écrite pour édith mais aussi Les Amants que nous avons chantée ensemble. J’ai écrit Une chanson qui a été un vrai succès. La cigarette après l’amour a également été un énorme succès. Après le rock a sonné un peu la fin des chansons françaises et le rap encore plus. Aujourd’hui, une quantité de chansons qui marchent, c’est avant tout du rythme, beaucoup de rythme.


Vous habitez à Tourgéville près de Deauville. Parlez-nous de vos attaches avec la Côte Fleurie.


Ma femme ne voulant pas aller en vacances dans le midi, nous sommes allés en Normandie et elle est tombée amoureuse de la région. Nous avons alors acheté une maison. C’était il y a 60 ans. Nos enfants ont grandi au grand air avec le soleil normand. En Normandie, il y a beaucoup de temps où il fait beau et même quand il ne fait pas beau, il y a une âme, il y a un romantisme. C’est un endroit passionnant qui vous étonne tout le temps. Quand ce ne sont pas les pommiers qui sont en fleurs, ce sont les pommes qui tombent des arbres, ce sont les fruits, c’est la verdure, la tempête, le soleil, c’est la passion. La Normandie, c’est la terre passionnée du romantisme.


Vous y avez composé beaucoup de chansons ?


Oh oui ! C’est un endroit idéal pour écrire. On est porté par la douceur de vivre. On ne vit pas cette folie, la démence, le bruit que l’on peut connaître à Paris. On vit dans la concentration, dans la lecture de ce qui est beau. La Normandie est un endroit où pour créer, c’est particulièrement favorable. 



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