Colonel

Sacré caractère, ce colonel


FROMAGE AU LAIT DE VACHE, à pâte molle et à croûte lavée, le Livarot est reconnaissable à sa forme cylindrique et aux 5 bandelettes qui l’entourent. Traditionnellement fabriquées à partir de fibres de roseaux (laîches) récoltés en août et septembre dans les marais du pays d’Auge - elles le sont aussi en papier -, ces bandelettes l’empêchent de s’affaisser durant son affinage. Leur nombre 5, comparé aux 5 galons militaires, lui a donné le surnom de colonel. Mais le Livarot est également identifiable à sa couleur orangée, due à certaines bactéries, les ferments du rouge, et parfois à l’emploi de rocou, un colorant naturel.


Il est produit en pays d’Auge, dans un territoire situé à cheval sur les départements du Calvados, de l’Eure et de l’Orne, aux alentours de la commune de Livarot bien sûr. Chaque année, plus de 10 millions de litres de lait issus des vaches normandes de 115 fermes, sont ainsi utilisés pour fabriquer du Livarot d’Appellation d’Origine Protégée (AOP). Quatre fromageries et un producteur fermier qui transforme le lait de son propre troupeau, en produisent près de 1 000 tonnes chaque année.
L’apparition de ce fromage aux 5 bandes remonte à la fin du Moyen Âge. À l’époque, les fermiers utilisaient la matière grasse du lait pour faire du beurre tandis que le lait écrémé était transformé en un fromage maigre, riche en protéines : le Livarot. Essentiellement produit l’été, au moment où le lait était le plus abondant, il pouvait se conserver de 4 à 6 mois.


Les Livarots en blanc, c’est-à-dire non affinés, étaient amenés par la fermière au marché où des affineurs les achetaient pour les affiner eux-mêmes puis les revendre sur place ou les envoyer dans toute la France par voie ferrée.
Au XIXème siècle, avec 4,5 millions Livarots fabriqués, contre 2 millions de Camemberts, il est le fromage le plus consommé en Normandie. Mais après la guerre, la tendance s’inverse. Sa fabrication ne devient plus qu’une activité marginale à côté de la production de Camembert en plein essor. Il devra son salut, dans les années 70, à une poignée de fromagers qui vont demander et obtenir sa reconnaissance en Appellation d’Origine Contrôlée (AOC). Le Livarot retrouve alors un succès commercial, passant de 500 tonnes en 1975 à plus de 1 000 tonnes aujourd’hui.


Une fois le lait caillé grâce à l’ajout de la présure enzymatique, le solide obtenu est tranché en grains de 2 centimètres de coté. Ils seront brassés afin de faciliter l’expulsion de sérum, puis mis en moules ronds sans fond, et retournés régulièrement pour faciliter l’égouttage. Il existe 4 formats : 200, 350, 500 grammes ou 1,2 kilogramme.
Après le démoulage, dès le deuxième jour, les fromages en blanc sont essuyés afin non seulement d’éliminer l’humidité excessive, mais aussi de favoriser le développement des levures et moisissures en surface.
C’est en cours d’affinage que les fromages sont entourés des fameuses bandelettes d’un demi-centimètre de large. Ils sont ensuite lavés et brossés avec un mélange constitué d’eau, de sel, de ferments et/ou de rocou, ce pigment végétal naturel, pour permettre la formation de la croûte orangée. Les Livarots sont ensuite emballés dans des boîtes en bois et l’affinage peut se poursuivre. Après 21 ou 35 jours, selon le format, les fromages sont prêts à être consommés.


Sa pâte légèrement salée et fondante, possède une saveur puissante et caractéristique, évoquant des notes florales, animales, soufrées et fumées. Attention, son âge et la saison sont les critères essentiels pour le choisir. La couleur jaune, la texture fondante et les arômes des fromages sont en lien avec l’alimentation des vaches. Ainsi, au printemps, les pâturages enrichissent le lait avec les carotènes, les acides gras polyinsaturés de l’herbe et les micro-organismes qui y vivent. En comptant le temps d’affinage, les fromages les plus aromatiques sont en magasin à partir du mois d’avril, et y restent jusqu’au mois de novembre.


On le consommera plutôt ferme et doux, ou bien crémeux et plus intense. On peut évaluer sa souplesse en pressant très légèrement les bords du fromage appelés les talons. Mais observer la couleur de sa croûte permet également de juger de son affinage. Lorsque les ferments du rouge, qui colorent la croûte en orangé ou rougeâtre, se font de plus en plus apparents, cela se manifestera en bouche par un goût plus prononcé, les notes lactées faisant peu à peu place à des notes plutôt fruitées et animales. L’intensité de son goût aura une incidence sur sa position sur un plateau. Le Livarot et le Camembert se disputeront la place du plus fort selon leur affinage.


Et pour le sublimer encore un peu, le Livarot comme ses collègues normands, possède quelques alliés. Le pain fait évidemment partie des incontournables et son choix est vaste, allant jusqu’au pain d’épice. Les condiments (ciboulette, paprika, poivre concassé ou encore graines de fenouil) sont à essayer, comme les fruits frais ou secs (raison, figue, pomme, poire, noix, noisettes...), mais également les confitures et autres gelées (pommes, figues, abricots) qui se combinent divinement avec les 4 fromages normands.
Enfin, côté boisson, si un cidre brut ou un poiré semblent tout indiqués, le vin blanc, Bourgogne (Meursault, Aligoté, Chablis), Sauternes, Alsace Pinot gris, loin de la tradition du rouge, est à oser, comme une bière de caractère ou encore du thé.



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