Dans l'ombre d'un Singe

Dans l'ombre d'un Singe


VILLERVILLE REBAPTISÉE TIGREVILLE, accueille en 1961 l'équipe du film pour le tournage d'Un singe en hiver, tiré du roman éponyme d'Antoine Blondin, prix Interallié en 1959. Impressionnés et fiers, les habitants du petit village de pêcheurs situé entre Trouville et Honfleur, participent aux figurations et vivent au rythme des prises. 


C'est un véritable événement. Pour la première fois, le jeune Jean-Paul Belmondo, 28 ans, donne la réplique à Jean Gabin, 57 ans. Se noue entre eux une forte et sincère complicité. Quand il ne tourne pas, Belmondo plaisante, joue au foot avec les techniciens pendant que Gabin préfère se concentrer avant une scène. « Gabin était tellement connu pour ses colères qu'il régnait sur le plateau un silence de cathédrale. Un jour, pendant ce tournage, alors qu'on aurait entendu une mouche voler, Gabin a un trou de mémoire. Il oublie totalement la réplique qu'il devait me lancer. L'air furieux, il me fait signe de quitter le plateau avec lui et dit au réalisateur, avec une parfaite mauvaise foi : « Quand vous aurez arrêté de taper avec le marteau, on reviendra » se souvient Jean-Paul Belmondo en 2012 lors du 50e anniversaire du film. Ce terrible duo partage l'affiche avec des acteurs aussi illustres que Paul Frankeur, en patron de bar irascible, Suzanne Flon en femme inquiète ou l'iconoclaste Noël Roquevert. 


Pendant plusieurs mois, Villerville s'est ainsi transformée en gigantesque studio avec des géants du cinéma : Henri Verneuil assisté de Claude Pinoteau et Costa-Gavras à la réalisation, le truculent Michel Audiard aux dialogues, Michel Magne pour la musique. Le film sort le 11 mai 1962 à Paris dans les cinémas Moulin Rouge, Rex et bien sûr Normandie. Le succès est immense, les dialogues deviennent aussitôt cultes... Le film entre dans la légende.



« Étrange comme une œuvre majeure peut s'accomplir en remplacement fortuit d'un projet avorté », commentera Claude Pinoteau en juin 2012 à l'occasion du cinquantenaire du film. « Renonçant au film « Au large de l'Eden » Jean Gabin obligea Henri Verneuil et Michel Audiard à trouver un autre sujet dans un strict délai imposé par son contrat. Prémonition ? Hasard ? Cette servitude va engendrer un chef-d’œuvre dont le mérite en revient principalement à Audiard qui proposera, in extremis, le roman d'Antoine Blondin ». Et le réalisateur de poursuivre : « Parti en repérage de la côte Picarde jusqu'au Cotentin pour trouver le Trigreville du roman, Villerville s'imposa à moi comme une évidence. Verneuil l'adopta sur photos. Tout s'enchaîna alors incroyablement, comme si ce film avait préexisté et s'épanouissait enfin librement : casting, mise en scène, dialogues, plan de travail, décors... Ce film avait « la Grâce » ». 



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