Entre l'acteur et Deauville, 20 ans de passion
Hiver 1961-1962, Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo sont présents sur la Côte Fleurie. Des scènes du film Un Singe en Hiver, sous la direction d’Henri Verneuil, sont tournées essentiellement à Villerville, rebaptisée pour l’occasion Tigreville, mais aussi à Deauville et Houlgate.
Ce n’est pas la première apparition de Jean Gabin sur cette partie du littoral normand. Et pour cause, le comédien vient tout juste d’acquérir la Villa La Malmaison à Deauville, à l’angle de la rue Hunebelle et de la rue Victor Hugo. Il la rebaptise La Grande Villa et l’habitera 13 ans durant, de 1961 à 1974. Il y est présent le week-end et durant les vacances. Il vient aussi y habiter lors des tournages effectués dans la région. C’était donc le cas pour Un Singe en Hiver sorti sur les écrans en 1962, mais aussi pour Le baron de l’écluse de Jean Delannoy dont des scènes ont été tournées à Deauville (1960) ou encore La Horse de Pierre Granier-Deferre (1969) dont une partie du tournage a eu lieu du côté de Trévières, près de Bayeux, dans le Bessin.
Mais c’est encore plus tôt, très exactement en 1956, que Jean Gabin passe ses premières vacances dans la cité des Planches. Il loue d’abord Les Chaumières, au bout de la rue Victor Hugo. L’année suivante, ce sera la Villa Henri Dominique face à celle de Jacques Bar, producteur de 80 films dont les plus grands succès de l’acteur : Mélodie en sous sol, Un singe en Hiver, Le Gentleman d’Epsom, Le cave se rebiffe, Le Président, Les Vieux de la Vieille, le Rouge est mis… Puis de 1958 à 1960, il prend ses quartiers d’été au Petit Boqueteau, une villa située dans la bien nommée rue des Villas.
L’acteur vient sur la Côte Fleurie en famille, avec son épouse Christiane Fournier (1918-2002), dite Dominique, mannequin chez Lanvin, et leurs 3 enfants Florence (1949), Valérie (1952) et Mathias (1956). « Pour nous, Deauville a toujours été associée aux vacances » racontait sa femme. « Jean venait là pour se reposer. Il y trouvait une douceur de vivre à laquelle il était tout particulièrement attaché ».
Mais la déjà célèbre station balnéaire normande n’est pas seulement un lieu de villégiature pour le comédien. Ses enfants y seront scolarisés dès 1956. Mathias à l’école primaire Fracasse, Florence dans un cours privé aujourd’hui disparu, Le Cours Louis situé rue Gontaut Biron. Deauville marque les grands événements familiaux de l’acteur. Sa fille se marie à la mairie de Deauville en présence d’un autre monstre sacré du cinéma, en l’occurrence Lino Ventura. Jean Gabin sympathise avec Jacques et Denise Boitard, agents immobiliers qui lui ont vendu sa maison et avec Mario Viale, le Maître d’Hôtel du Normandy et du Ciro’s avec qui il visitera et expertisera la maison qu’il finira par acheter.
L’acteur, passionné de chevaux, se rend régulièrement aux courses, au bout de l’avenue sur l’hippodrome de Deauville-La Touques. Et principalement au mois d’août, lors des grandes réunions. Il a d’ailleurs sa place dans les tribunes.
A cette époque, il est déjà propriétaire d’une écurie d'une quinzaine de chevaux et jouit d’une certaine renommée dans le milieu hippique. Ses pur-sang sont basés sur le domaine de La Pichonnière, une propriété qu’il a acquis en juillet 1952 sur la commune de Bonnefoi, non loin de Moulins-la-Marche, dans l’Orne où il a également fait construire une imposante demeure nommée La Moncorgerie, allusion à son nom de famille Gabin Moncorgé. Gabin s’est également lancé dans l’élevage de près de 300 bovins. L’histoire raconte qu’il a dépensé une bonne partie de sa sa fortune pour réaliser là, un de ses rêves d’enfant.
En mai 1968, fuyant Paris et ses manifestations, toute la famille Gabin vient s’installer dans La Grande Villa à Deauville. Il n’est pas rare d’y croiser à l’occasion de séances de travail, Jean-Paul Belmondo, Michel Audiard qui a écrit les dialogues d’Un Singe en Hiver, et le réalisateur Gilles Grangier (Les Vieux de la Vieille, Le cave se rebiffe, Le Rouge est mis, Le Gentleman d’Epsom ou encore La Cuisine au beurre). Voisin, le comédien Lino Ventura loue un appartement dans la Villa Héliotrope située à l’angle de la rue Le Marois et de la rue Baronne d’Erlanger.
En 1974, Gabin vend sa demeure deauvillaise. Deux ans plus tard, le 15 novembre 1976, alors qu’il vient de décider de se séparer également de son domaine normand de La Pichonnière, l’acteur meurt d'une leucémie à l'Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Il est âgé de 72 ans. Selon ses dernières volontés, ses cendres seront dispersées en mer d'Iroise, à 20 miles de Brest, au sud de la chaussée des Pierres-Noires.
En septembre 2013, la Ville de Deauville, par l’intermédiaire de son maire Philippe Augier, rend hommage à Jean Gabin. Une plaque patrimoniale est inaugurée devant son ancienne villa, rue Victor Hugo, en présence de sa fille, Florence Moncorgé-Gabin.