La plus grande église en bois de France
C'EST AU CŒUR DU FAUBOURG Sainte-Catherine, le quartier des marins, que fut édifiée cette étonnante église du même nom. Elle a été construite dans la seconde moitié du XVè siècle, en lieu et place d'un ancien édifice religieux en pierre, détruit pendant la guerre de Cent Ans.
Disposant de peu de moyens, les habitants ont dû utiliser le matériau le moins onéreux, en l'occurrence le bois provenant de la forêt de Touques toute proche. C'est pourquoi seuls les soubassements sont en pierre tandis que les hourdis, ces intervalles entre les pièces de bois, sont en briques recouvertes de mortier de chaux comme dans la plupart des maisons typiques du pays d'Auge.
L’église a été édifiée en plusieurs campagnes. La première en 1468 avec la construction de la nef Nord. Bâtie sur le modèle d'une halle de marché, elle est l'œuvre de charpentiers de marine locaux, d'où son aspect coque de bateau inversé. Dans le même axe, le clocher en chêne est érigé sur la maison du sonneur. Il est isolé, à bonne distance de la nef, pour éviter qu'en cas d'orage, la foudre n'embrase l'édifice en bois et que les paroissiens ne soient la proie des flammes.
Avec l’essor démographique, une église plus grande est très vite devenue nécessaire. Son élargissement est donc entrepris en 1496 avec l'édification d'une seconde nef, côté Sud, parallèle à la première, avec une voûte conforme aux voûtes en bois des églises gothiques modestes. Sa forme plus arrondie ainsi que la position de sa charpente, n'ont plus aucun rapport avec la construction d'un navire.
Dans le même temps, les 2 nefs sont allongées de 3 travées supplémentaires. Les poutres utilisées pour la réalisation des piliers et des bas-côtés sont de longueurs inégales, car on ne disposait pas de troncs de chênes assez longs pour les construire. Aussi certains ont une assise en pierre plus ou moins haute, et d’autres n’en possèdent aucune.
Ce bel ensemble est l'œuvre des fameux maîtres de hache des chantiers navals de Honfleur. Les piliers irréguliers en témoignent : un travail d'orfèvre réalisé sans avoir recours à la scie, comme leurs ancêtres normands représentés sur la tapisserie de la Reine Mathilde, la célèbre broderie exposée à Bayeux.
Au fil des ans, l'église Sainte-Catherine va subir plusieurs transformations dont quelques-unes marquantes. En 1827, au temps de la Restauration, toutes les poutres sont recouvertes de plâtre et les piliers transformés en colonnes cylindriques. Le baptistère extérieur est abattu et remplacé par un grand porche avec 4 colonnes grecques ainsi qu’un fronton à l'antique. L'abside sera restaurée en 1879. Les 6 premières travées Est, entièrement reconstruites en raison de leur mauvais état, sont devenues les 2 chœurs actuels.
Les derniers enduits de plâtre de la nef ont disparu au début des années 1900, lui redonnant ainsi l'aspect qu'elle avait autrefois. En 1929, c'est le porche grec qui a été remplacé par l'actuel. Un porche « néo-normand » construit sur le modèle des églises rurales de la région mais l’ancien portail monumental est visible sur certaines toiles de Jongkind ou de Boudin. Le portail Sud est quant à lui de style Renaissance.
L’édifice est partiellement recouvert de bardeaux en bois de châtaignier que l’on nomme « essente » et qui constituent un « essentage ».
Côté mobilier, différentes statues sont présentes à l’intérieur de l’église, celles de Notre-Dame-de-Grâce, de Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus, de Saint-Joseph, de Saint-Antoine de Padoue, du Bienheureux Denis de la Nativité, de Saint-Augustin, de Sainte-Jeanne d’Arc ou encore celles, bien sûr, de Sainte-Catherine, patronne de la paroisse mais aussi de Saint-Etienne, patron de la paroisse située autrefois dans la vieille ville. Son église, sur le bassin, abrite aujourd’hui le musée de la marine.
Quant au grand orgue, il est l'œuvre de Jean-Baptiste Lefèbvre, facteur d'orgue et organiste de Rouen (1771), mais a été transformé par Mutin en 1880, puis par la maison Gonzalès en 1979. Sa balustrade est du XVIe siècle et provient soit de la balustrade de l’ancien orgue, soit de la maison des Orléans-Longueville, seigneurs de Honfleur. La trace d’armoiries mutilées à la Révolution, est en effet encore visible. Ses panneaux sculptés représentent 17 instruments de musique en usage au XVIe siècle, en l’occurrence cornet, luth, flûte de pan, vielle à roue, flûte traversière, tambour, viole de gambe ou encore harpe.
Classée Monument historique en 1879, l'église Sainte-Catherine a attiré l’attention de nombreux archéologues et historiens par son aspect atypique. C’est en effet la plus grande église en bois de France avec un clocher séparé.